— Tu dois t’en aller, lui dit Chad.
Il la supplie, en réalité. Et c’est pour cette raison qu’Ana cède à sa demande. Elle ne veut pas, mais la détresse dans les yeux de celui qu’elle prenait pour un ami décide pour elle.
— Je suis désolé, ajoute-t-il sans la regarder.
Elle ne répond pas. Elle se contente d’observer Chad dans la pénombre de la grange tout en cherchant à faire taire le fracas de son cœur qui se brise, de retenir la vague de terreur qui la menace ; peut-être que c’est à cet instant qu’elle a commencé à ne plus rien ressentir, songera-t-elle plus tard. À éteindre sa trouille, sa colère, jusqu’à sa propre voix.
— Je pourrai te conduire à Knoxville si tu veux, lui propose-t-il. J’ai trouvé du carburant l’autre jour, ça suffira pour faire l’aller-retour.
En guise de réponse, Ana prononce un simple « OK » qui lui demande toute la volonté dont elle est capable. Le soulagement s’affiche sur le visage de Chad, tant que la jeune femme songe qu’elle a fait le bon choix.
Pas pour elle, non. Pour lui et son épouse Judy, et leurs deux garçons.
— Tu me laisses combien de temps ? interroge-t-elle quand elle peut parler sans trembler.
— Le convoi quitte Knoxville dans quatre jours.
— D’accord.
Au moins, Ana n’aura pas à faire le trajet à pied. Elle aurait dû partir le jour même dans ce cas-là.
— Ah, et… s’il te plaît, ne dis rien à Judy, reprend Chad. Dis-lui que tu t’en vas de ton plein gré. Elle m’en voudra, sinon.
Et il n’assume pas, avec ça.
— Ne t’inquiète pas, soupire Ana. Je ne dirai rien.
Elle s’en fiche, en réalité. Ça n’a plus d’importance. Après tout, chacun traite avec sa peur, chacun la gère comme il peut ; Chad ne fait qu’essayer de protéger sa famille. Pas d’elle, non, mais du reste du monde. Des pillards, des anges, de la colère de Dieu.
De toute façon, Chad n’a jamais été un ami. Ce n’était qu’une étape. Rien de plus.
Ana l’a rencontré le deuxième jour, alors qu’elle avait quitté Nashville.
Elle y a fait escale pendant son road-trip américain, la fin d’un voyage long de deux mois passé dans des cars bringuebalants, avançant au gré du hasard. Ce périple, elle avait mis un an à se le payer. Une pause bienvenue dans sa petite vie bien morne faite de boulots de merde et de désillusion. Elle se sentait étriquée en France ; elle espérait que les grands espaces des États-Unis lui permettraient de faire le tri dans ses rêves, dans ses idées, dans ses perspectives d’avenir, mais elle n’y a pas trouvé ce qu’elle cherchait. Ce pays ne lui correspond pas, voilà tout. Trop grand, trop incompréhensible parfois… Elle ne regrette pas d’y être venue, mais elle se rend compte à présent qu’il ne s’agissait que d’une parenthèse. Elle devait rentrer chez elle.
Elle n’en a pas eu le temps : c’est à Nashville qu’elle a vécu le 18 janvier 2016, une terrible gifle qui l’a ramenée à la réalité.
La catastrophe, le souffle qui a ravagé les maisons et les immeubles, un beau matin. Les corps sans vie partout, pris dans des carcasses de voiture ou réduits en cendre. Le silence dans les rues.
La condamnation à mort, la voix dans sa tête lui annonçant sa fin prochaine, six cents jours plus tard.
Les anges.
Ces terrifiantes créatures, dangereuses autant que magnifiques, qui n’avaient de cesse de traquer tous les êtres vivants qu’ils croisaient sur leur chemin. Ana n’en a réchappé que par miracle.
Survivre aux assauts des anges dans les ruines de Nashville était une chose ; accepter leur existence en était une autre. Une fois dans sa chambre d’hôtel, après avoir arpenté les rues envahies de cendre et de débris, la jeune femme s’est demandé si elle n’avait pas imaginé ce qu’elle avait vu. Sa part rationnelle ne parvenait pas à y croire, et sa part émotionnelle, elle, s’était roulée en boule dans un coin en attendant que ça passe.
Il lui fallait partir, et peu importe où. Elle ne pouvait pas rester piégée dans cet hôtel miteux perdu au milieu de nulle part, alors qu’elle sentait en elle la présence des anges lorsqu’ils se trouvaient trop près de son périmètre. Elle ne savait pas pourquoi mais elle a accepté cette capacité sans trop se poser de questions. Elle aurait tout le temps d’y penser plus tard.
Une fois le choc passé, une fois ses esprits repris, Ana a quitté la ville sans se retourner, puisant dans des forces qu’elle ignorait posséder.
Elle a marché des heures sur la route poussiéreuse et craquelée sans croiser âme qui vive. Tout ce qu’elle portait sur elle, elle l’avait volé dans l’hôtel avant de mettre les voiles : les vêtements, les chaussures de randonnée, l’énorme sac à dos plein de nourriture. Dans une poche, son calendrier improvisé, la somme des derniers jours qui lui restaient. Dans le cœur, la terreur sans nom qu’elle ne parvenait pas à éteindre. Seul son pouvoir, cette étrange prescience qui la prévenait de l’approche des anges, lui redonnait un peu d’espoir.
Ana ignorait où se rendre, elle n’avait aucune idée de l’état du reste du monde et de ses chances de rejoindre la France ; parfois, lorsqu’elle trouvait une cabine téléphonique encore debout, ou une maison intacte, elle essayait d’appeler tous les numéros enregistrés dans son téléphone avant que ce dernier ne rende l’âme faute de pouvoir être chargé. Le numéro de ses parents, de ses sœurs, de quelques amis et collègues… Personne ne répondait car le téléphone était coupé partout. Il n’y avait plus d’électricité nulle part, aucune communication, aucune nouvelle…
Le monde ne tournait plus. La machine était tombée en panne, et personne n’était disponible pour la réparer.
Le deuxième jour, alors qu’elle venait d’arriver à La Vergne, une petite ville encore à peu près intacte faite de maisons entourées d’immenses jardins, Ana a eu la surprise d’y découvrir des dizaines de survivants.
Des gens stressés, en colère, sur les nerfs… mais des gens quand même. Sa nature méfiante le disputait à son envie de se mêler à la foule. Elle voulait fuir en même temps qu’elle espérait se joindre à eux.
Ils s’étaient réunis devant un restaurant perdu au milieu d’une longue rue commerçante, choisie sans doute pour y récupérer matériel et nourriture. En les écoutant parler entre eux, Ana devinait qu’une grande partie de ces gens venaient du coin et qu’ils entendaient bien se tirer sans attendre ; d’autres, peu nombreux, rechignaient à suivre le mouvement. Une drôle de tension régnait sur cette foule prompte à exploser à la moindre parole de travers.
Après une hésitation, la jeune femme a demandé de l’aide à l’un d’eux, celui qui lui semblait être le plus sympa de tous, ou du moins le moins énervé ; il se tenait à l’écart et vérifiait le moteur de son pick-up. Le type devait avoir son âge, il était grand et massif et arborait une impressionnante barbe rousse. Surtout, il semblait particulièrement indifférent au conciliabule qui se déroulait à quelques mètres de lui, comme si la fin du monde ne le concernait pas. Ana s’est approchée et lui a demandé son chemin.
L’inconnu a souri en entendant son accent français. Puis il lui a indiqué sur sa carte la route pour se rendre à Louisville, avant de remarquer l’énorme sac à dos qu’elle trimballait comme elle pouvait.
— Il semble trop lourd, ton sac, a-t-il fait d’une voix profonde. Chargée comme tu es, tu te fatigueras vite. Tu viens d’où ?
— De Nashville.
Une ombre est passée sur le visage de l’homme, qu’il a chassée en secouant la tête et en lâchant la clef à molette qu’il tenait encore à la main. Puis il a refermé le capot du pick-up et a demandé :
— Tu as vu des anges, là-bas ? Il paraît qu’ils étaient nombreux.
— Bien sûr que je les ai vus. D’un peu trop près à mon goût, d’ailleurs.
— On n’en a pas encore signalé dans le coin. On raconte qu’ils forcent les survivants à quitter les villes afin de les piéger sur les routes. Tu ne devrais pas voyager seule, à mon avis.
— Et avec qui je pourrais voyager, alors ?
Plus loin, le groupe amassé devant le restaurant s’était peu à peu dispersé ; la réunion semblait terminée. Comme Ana les observait, l’inconnu lui a dit :
— Tu peux partir avec eux si tu veux. Mais je les connais : ils ne t’accepteront pas si tu n’es pas capable de te débrouiller seule. Ces gens-là ont l’habitude de la vie à la dure, et c’est pour cette raison qu’ils se prennent la tête depuis des heures. Ils ne savent pas encore s’ils accueilleront des petits nouveaux comme toi ou si au contraire ils les laisseront sur le bord de la route.
— Et pourquoi ?
— Parce que des « petits nouveaux » les ralentiraient. Chacun pour soi, maintenant.
La cruelle vérité qu’Ana refusait de voir en face. Si des anges en voulaient à l’humanité, les survivants devaient absolument s’entraider, non ?
Encore une fois, elle s’était montrée naïve.
Sans se démonter – du moins pas devant cet inconnu qui la considérait avec un mélange d’amusement et de pitié –, elle a dit :
— Dans ce cas-là, je vais essayer de trouver un abri. Et je verrai demain matin.
— Je peux t’héberger pour la nuit si tu veux, a alors proposé le type.
Puis il a ajouté, devant l’hésitation de la jeune femme :
— Je vis à Rock Island avec ma compagne et nos deux garçons, c’est à quatre-vingts miles d’ici. Au fait, je m’appelle Chad.
— Ana.
Elle a pesé le pour et le contre, mais pas bien longtemps ; elle était épuisée, sur les nerfs, et Chad lui paraissait digne de confiance. Assez, en tout cas, pour qu’elle accepte l’invitation et balance son sac à dos à l’arrière du pick-up, se demandant si elle ne faisait pas une connerie. Chad pouvait mentir, ne pas habiter à Rock Island, ne pas avoir de famille… mais après tout, était-ce important, alors qu’il ne lui restait plus que cinq cent quatre-vingt-dix-sept jours à vivre ?
Elle n’aurait plus à s’en soucier si elle venait à croiser le chemin d’un taré qui déciderait pour elle. Bye bye la fin du monde.
Trois heures plus tard, après un long trajet sur une route sinueuse couverte de poussière, de débris, de voitures abandonnées, elle découvrirait qu’elle avait tort. Chad possédait bien une ferme à Rock Island ; sa femme, Judy, l’attendait avec un peu d’inquiétude, une inquiétude vite remplacée par la joyeuse perspective d’accueillir une pensionnaire, une Française qui plus est, ce qui la ravissait. Leurs deux garçons de sept et douze ans, Jake et Adrian, étaient eux aussi très heureux car depuis le jour du Cataclysme, ils n’avaient plus le droit de mettre le pied dehors.
Tous les quatre ne vivaient plus dans leur ferme : ils s’étaient réfugiés dans le bunker construit dans le sous-sol il y avait dix ans de cela, en prévision du Jugement Dernier.
Ana pensait y rester une nuit le temps de préparer son voyage – elle espérait vaguement retourner en France, Chad ayant évoqué des bateaux qui prenaient encore la mer à New York.
En fin de compte, elle y est restée vingt jours.
Le premier soir, Judy l’a questionnée sur ce qui l’avait conduite aux États-Unis, et sur sa vie d’avant. C’était une femme habituée au travail au grand air, jeune et marquée par les épreuves, au visage couvert de taches de rousseur, aux longs cheveux tressés en une multitude de toutes petites nattes. Elle a appris à cette occasion l’étonnante capacité d’Ana à détecter la présence des anges, et a insisté afin que leur invitée s’attarde, parce qu’un tel pouvoir lui apparaissait comme un don du ciel.
Ana ne partageait pas cet avis. Mais elle s’est bien gardée de le dire tout haut et a accepté de rester encore un peu, jusqu’à ce que l’idée de rester pour toujours l’effleure un beau matin ; elle pensait même parvenir à s’accommoder des croyances de ses hôtes alors qu’elle était parfaitement athée. Ces derniers, fervents chrétiens, se rattachaient à l’Église Adventiste du Septième Jour. Et en cela, ils croyaient depuis longtemps au retour du Christ afin de les sauver, ce qui était en train de se passer selon eux.
Les anges étaient descendus sur Terre dans le but de chasser ceux qui se montreraient indignes de renaître dans le nouveau monde voulu par Dieu ; Chad et Judy, eux, étaient persuadés qu’à la fin des six cents jours, leur âme ressusciterait dans ce nouveau monde. Ce qui se produisait alors, le Cataclysme, les catastrophes, le compte à rebours n’étaient que le déroulement logique de ce retour du Christ.
Oui, Ana était sûre qu’elle pourrait rester auprès d’eux jusqu’à la fin. Peut-être même qu’ils réussiraient à la convaincre, qui sait… Une conversion qu’elle appelait presque de ses vœux, elle qui avait si peur. La fin du monde annoncée la terrorisait tant qu’elle restait prostrée pendant des heures en attendant que ça passe ; elle était prête à faire n’importe quoi pour effacer cette horreur qui fondait sur elle comme un oiseau de proie. Alors, le soir, elle se pliait à la prière commune dans la petite pièce à vivre du bunker, juste avant de dormir, et écoutait les longues explications de Judy qui n’aimait rien tant que partager son savoir avec une novice qui avait encore tout à apprendre.
— Ta présence nous honore, répétait la mère de famille. Grâce à toi, nous pourrons arriver au Dernier Jour sans encombre. Nous pourrons vaincre cette épreuve.
Grâce au don d’Ana, ils pouvaient s’aventurer à l’extérieur sans craindre de dangers. Chad refusait jusqu’ici que les enfants mettent le nez dehors à cause des anges ou des pillards, alors ces derniers étaient ravis de pouvoir quitter le bunker, même pour quelques heures. Ils en profitaient pour récupérer dans la ferme les outils dont ils avaient besoin, pour chasser dans le petit bois alentour, et pour se rendre à la mairie de Rock Island, là où des survivants se réunissaient afin d’échanger des informations. L’on y parlait de la présence des anges, des infrastructures intactes ou, au contraire, détruites, des tueries dans la région… Grâce à ces réunions, Ana a appris que des convois se formaient régulièrement afin de voyager d’un point A à un point B, le point B étant souvent situé sur la côte.
On disait que des bateaux quittaient New York afin de rejoindre l’Europe. Certains étaient prêts à tout pour tenter la traversée de l’Atlantique, prêts à parcourir le pays en voiture, à pied même, à embarquer dans un cargo sans savoir si leur destination existait encore…
— C’est de la folie, déplorait Judy. Ils devraient rester chez eux et attendre le retour du Christ. S’ils n’acceptent pas le sort qui leur est dévolu, les anges viendront et les élimineront.
Et Ana savait parfaitement ce qui arriverait aux âmes de ceux que les anges ont assassinés : elles ne renaîtraient pas. La jeune femme l’entendait cent fois par jour.
Judy s’était mise en tête de la faire rester auprès d’eux. Le soir, après le repas, elle s’attachait à tresser les longs cheveux châtains d’Ana, comme elle, lui assurant que ce serait bien plus pratique si elle ne comptait pas les couper.
Chad ne parlait pas des anges, lui, au contraire de son épouse. Durant la journée, il montrait à Ana le maniement du couteau et du fusil à pompe – l’armurerie du bunker, sous clef, était impressionnante –, et tous les deux passaient de longues heures à chasser le lapin dans la forêt. Le soir, lorsqu’il ne parvenait pas à dormir, il avait pris l’habitude de discuter avec elle et apportait les dernières bières qu’il restait dans le garde-manger.
— Je préfère les boire maintenant avec quelqu’un de bonne compagnie, riait-il toujours.
Il n’évoquait jamais ses croyances, et ne faisait pas de prosélytisme non plus. Il se contentait de parler de tout et de rien, du temps qu’il faisait, des survivants qu’ils croisaient parfois, de ses enfants dont il admirait le courage. Dans ces moments-là, Ana pensait qu’il la jaugeait afin de décider si elle pourrait rester définitivement ou non. Elle ne parvenait pas à savoir quel avis il se faisait d’elle.
Mais un soir, peut-être le cinquième ou le sixième, elle lui a posé une question qui a réduit ses chances à néant :
— Si tu penses que toi et ta famille êtes dignes du nouveau monde voulu par Dieu, pourquoi tu crains tous les jours que les anges viennent dans la ferme pour vous tuer ?
Chad n’a pas répondu tout de suite. Il s’est contenté de remplir son verre, vidant la bouteille par la même occasion, de boire une gorgée, puis de soupirer.
— Ils sentent lorsque l’on perd la foi, a-t-il dit ensuite. Ils sont là pour ça, ils éliminent ceux qui ne croient plus.
Ce soir-là, Ana a compris qu’elle ne pourrait jamais adhérer à leur croyance.
Elle ne pourrait pas être sauvée. Elle devrait vivre avec la trouille chevillée au corps, avec la perspective de disparaître à date fixe. Comment pouvait-elle accepter que les anges traquaient seulement les infidèles alors qu’elle les avait vus descendre froidement tous ceux qui se trouvaient sur leur chemin ? Les anges ne faisaient pas de différence. Ils étaient là pour exterminer l’humanité avant l’explosion finale, rien de plus.
Mais cela, Chad n’était pas prêt à l’entendre. Et il ne le serait jamais.
Il a laissé la jeune femme et est parti se coucher sans rien ajouter – l’abri comprenait deux minuscules chambres, l’une occupée par le couple et l’autre par les enfants, et Ana dormait dans le canapé de la pièce à vivre. Elle est restée longtemps à contempler le plafond sans trouver le sommeil.
Le lendemain, le comportement de Chad avait changé. Ils vivaient leur routine habituelle, faite de chasses, de travaux de consolidation de l’abri, de rangement, de discussions le soir, mais la complicité s’était envolée.
Et voilà qu’au vingtième jour, il lui demande de partir.
Là, dans la grange, alors qu’ils étaient en train de chercher clous et vis afin de condamner une dépendance de la maison, les yeux perdus dans la pénombre, la parole à l’abri des oreilles de Judy.
Et le vide, à présent, dans le cœur d’Ana.
Elle en veut à Chad de l’abandonner, mais elle s’en veut aussi de l’avoir poussé à bout. À cause d’elle, la foi de son hôte s’est peu à peu étiolée, cette foi qu’elle a tant cherchée pour elle-même et qu’elle n’a pas trouvée ; voilà pourquoi elle accepte son sort sans rien dire. Parce qu’elle refuse d’arracher le peu d’espoir que d’autres survivants seraient capables de faire naître.
Le soir même, Ana leur fait part de son intention de partir, passant sous silence la demande de Chad.
— Je ne peux plus abuser de votre hospitalité, annonce-t-elle. J’ai peur que votre famille soit en danger à cause de moi. Je vais m’en aller et retourner chez moi.
Elle ne s’attendait pas à ce que Jake se mette à pleurer ; le petit garçon, attristé, enfouit son visage dans ses mains et demeurera inconsolable toute la soirée. Adrian, lui, ne dira rien. Mais il n’approuve pas non plus le départ prochain de leur amie.
Chad garde le silence, le nez dans son assiette. Seule Judy s’exprime, l’air à la fois déçu et soulagé.
— Je pense que tu prends la bonne décision, affirme-t-elle. Tu dois affronter chez toi l’épreuve qui vient.
— C’est ce que je crois.
Ana sourit, mais aucune joie ne la traverse, aucune tristesse, ni même aucune colère.
Partir, ou rester, plus rien n’a d’importance.
Le lendemain, après avoir rempli son sac de vêtements et de vivres préparés par Judy, Ana quitte l’abri, la quiétude des bois, le silence de Rock Island, et la relative sensation de sécurité qu’elle éprouvait jusqu’alors. Chad la conduit à Knoxville, là où un convoi doit partir pour New York.
— Si tu leur dis que tu possèdes le pouvoir de sentir la présence des anges, ils t’accepteront sans discuter.
Ana n’en est pas sûre. Sur le siège passager, elle regarde les restes calcinés des arbres défiler le long de la route, songeant qu’elle voudrait garder pour elle l’existence de ce don qui pourrait bien lui causer plus de problèmes qu’en régler.
Le silence dans le pick-up est lourd. Chargé de rancune, de colère consumée, de déception.
Puis Chad finit par dire :
— Je suis vraiment désolé.
Et elle le croit.
Ils n’échangeront plus un mot de tout le trajet, jusqu’à leur arrivée à Knoxville, dans le parking d’un gigantesque centre commercial envahi de voitures abandonnées. Les bâtiments se sont effondrés sur eux-mêmes, la cendre recouvre tout. Un groupe d’une cinquantaine de personnes se forme près d’un des magasins, semblable à ceux qui se réunissaient à Rock Island.
Chad se gare non loin. Puis, lorsqu’Ana récupère son sac dans la benne du pick-up, il la serre longuement dans ses bras avant de lui souhaiter bonne chance.
— Si c’est Dieu qui t’a offert ce don, cela signifie qu’Il attend quelque chose de toi, déclare-t-il. Je suis certain que tu t’en sortiras, je n’ai jamais eu de doute à ton sujet.
— Mais tu as peur pour toi.
— Eh bien… oui.
— Je comprends. Je ne t’en veux pas.
Elle le quitte sur ces mots, sans un regard en arrière. Elle ne se retournera pas lorsqu’elle entendra le bruit du moteur qui redémarre.
Elle aurait pu rester avec eux. Elle le voulait.
Ce n’était qu’une étape, se répète-t-elle. Juste une étape.
Ana s’approche de la foule en tentant de se faire toute petite. À présent seule, elle sent sa détermination s’envoler.
Les survivants se sont réunis près d’un magasin qui vendait des meubles autrefois. Ils écoutent religieusement le speech guerrier d’un homme debout sur un banc, un type d’une soixantaine d’années parfaitement entretenues aux cheveux gris et à la peau burinée. Un vétéran de l’armée, sans doute, le genre de mec qu’Ana déteste par-dessus : elle a sous les yeux le cliché de l’officier américain coupable d’excès de zèle qui apparaît dans les blockbusters hollywoodiens. Celui qui fait tout foirer, en général.
Le discours martial lui donne la nausée. Pourtant, ce type a raison : s’ils espèrent rester en vie jusqu’à destination, ils devront maintenir le cap coûte que coûte et se défendre avec les armes dont ils disposent. Les anges, eux, ne feront pas de cadeaux.
Et elle, parviendra-t-elle à suivre le mouvement ? Jusqu’ici, Ana a fui sans demander son reste. Elle n’a jamais envisagé de faire face aux anges car elle n’a jamais eu à se retrouver devant eux.
Le discours s’achève au bout d’une longue demi-heure, les survivants s’éparpillent. Certains d’entre eux s’engouffrent dans le magasin afin d’y trouver abri pour la nuit. Les autres, eux, restent sur place pour profiter des dernières heures de lumière avant que le soir tombe, débattant de l’invective de celui qui semble être leur leader. À qui s’adresser, maintenant ?
Ana n’a pas le temps de se poser la question qu’une voix masculine l’interpelle :
— Tu comptes te joindre à nous ?
Elle espérait rester discrète. Loupé.
L’homme qui haranguait ses troupes quelques minutes plus tôt la jauge en gardant les bras croisés, l’air bien peu amical. Là où elle se trouve, Ana peut à présent distinguer la cicatrice sur son visage hâlé, un trait fin qui court du front à la joue. Les yeux gris du type lui paraissent bien trop froids.
— J’espérais, oui, répond-elle.
Elle n’a pas réussi à raffermir sa voix, pas autant qu’elle le voudrait en tout cas. Mais lorsqu’il entend son accent français, l’homme se détend quelque peu.
— Tu cherches à rentrer chez toi ? lui demande-t-il.
— J’aimerais bien.
— Des bateaux partent encore de New York aux dernières nouvelles. C’est là que nous nous rendons.
Un homme les interrompt afin de demander quelque chose à voix basse au vétéran, non sans avoir jeté un coup d’œil curieux à Ana. Le militaire lui répond, puis reporte son attention sur la jeune femme.
— Si tu veux te joindre à nous, tu dois savoir deux choses. La première : je ne peux pas te garantir que des bateaux seront à quai et prêts à entreprendre la traversée jusqu’en France car nous-mêmes ne sommes pas sûrs qu’il y en ait. Mais nous prenons le risque.
— D’accord.
— La seconde, c’est que nous n’acceptons que ceux qui peuvent apporter quelque chose au groupe. Question de principe : celui qui nous ralentit finit sur le bas-côté.
Chad l’avait dit, déjà : chacun pour soi. Ana n’est pas surprise.
Et à en juger par l’air à la fois moqueur et dubitatif que lui adresse le chef de la bande, ce dernier ne semble pas convaincu qu’Ana puisse faire l’affaire.
Il lui reste une carte à jouer, alors.
— Je veux vous apporter quelque chose si c’est si important pour vous, énonce la jeune femme.
— Ah oui ? Et quoi ?
— Je sais quand des anges se trouvent dans mon périmètre. Je les sens approcher.
Les sourcils gris de l’homme se haussent en une expression de surprise non feinte. Il lâche :
— Ah… Un détecteur d’anges, voilà qui est intéressant.
Puis, avant qu’Ana puisse répondre, il appelle quelqu’un :
— Nick, viens voir !
Un autre type en treillis maculé de poussière se joint à eux. Encore un militaire, si l’on en croit sa posture toute droite et ses cheveux rasés, mais bien plus jeune que le chef de la bande. Un revolver est passé à sa ceinture, ce qui met Ana mal à l’aise ; elle n’a jamais pu supporter la proximité des armes à feu durant son séjour aux États-Unis, sans doute sa toute première source de crispation dans ce pays.
— Qu’est-ce qu’il y a, Chef ? demande le dénommé Nick avec un très léger accent hispanique.
— Cette demoiselle prétend voir les anges avant qu’ils n’arrivent.
Sur ces mots, Nick se tourne vers Ana et la fixe avec une drôle d’expression, les yeux dans le vague. Puis il retrouve ses esprits et secoue un peu la tête. Ses iris noirs comme la nuit reprennent leur éclat perçant.
— Elle a raison, fait-il ensuite avec un sourire.
Le vétéran sourit à son tour, ravi.
— Et non, ma petite, tu n’es pas la seule à posséder un pouvoir. Vous êtes deux ou trois pour l’instant. Tu peux remercier le Ciel de t’en avoir donné un : c’est ton ticket d’entrée pour la grande traversée.
Ils se mettent en route deux jours plus tard, en une longue procession d’antiques camions militaires volés dans des casernes des environs.
La date du départ était fixée depuis longtemps, sous l’impulsion du chef de la troupe – Robert, qui, comme Ana l’avait soupçonné, était bien militaire. Selon lui, des tas de groupes comme le leur se réunissent dans les quatre coins du pays afin de constituer des convois, chacun conduisant à des destinations différentes ; la plupart du temps, les survivants espèrent atteindre la côte pour embarquer sur des bateaux qui les mèneront vers d’autres rivages. Les vadrouilleurs passent le mot, partagent les nouvelles et les rumeurs, alors il n’est pas bien difficile de se joindre à ces convois.
Tout dépend, en réalité, de qui les dirige. Certains, à l’image de Robert, ne laisseront aucune chance à ceux qui pourraient les ralentir – blessés, enfants, personnes âgées… –, d’autres donneront leur chance à tout le monde. Peut-être une dernière façon d’exercer un pouvoir, de se sentir puissant, qui sait…
D’ordinaire, Ana ne se serait pas gênée pour gueuler, mais elle préfère à présent la fermer. La fin du monde rend égoïste, tant pis pour l’injustice dont elle est témoin chaque jour. Tout ce qu’elle veut, c’est rentrer chez elle, poser le pied dans son pays, rejoindre la ville où elle vivait avant le Cataclysme, tenter de retrouver les membres de sa famille… L’idée de ne plus avoir le moindre contact avec eux lui est odieuse, alors elle se force à ne pas y penser.
À ne penser à rien, en réalité. Ni à la peur qui la ronge lentement comme un acide, ni à Chad qui l’a jetée de son radeau perdu sous terre, ni à ses parents et à ses sœurs qu’elle ne reverra sans doute jamais. Elle regrette tant d’être partie… Pourquoi ce voyage, pourquoi maintenant, alors qu’elle n’a jamais aimé ça ? Si Ana croyait au destin, elle penserait qu’on cherche à lui faire passer un message. Ou à la punir, au choix.
Lorsque le convoi se met en route, elle ne se mêle pas aux autres voyageurs, préférant s’envelopper dans sa solitude. La méfiance lui souffle de rester seule, de ne compter que sur elle-même ; la perspective d’être de nouveau déçue par quelqu’un en qui elle placerait sa confiance lui paraît insoutenable. Et les autres membres du groupe le lui rendent bien. Personne ne fait le moindre effort pour elle, à l’exception de Robert peut-être – mais parce qu’il essaie de prendre soin de tout le monde.
Le boss n’est pas un mauvais bougre, en fin de compte. Sous ses airs durs se cachent beaucoup de prévenance, de sensibilité et d’humanité ; un rien de paternalisme, aussi, qu’Ana aurait détesté en temps normal, mais qu’elle accepte sans rechigner. Elle n’aura pas à le subir jusqu’au bout, de toute façon. Ce n’est qu’une étape de plus.
Seul Nick, un ancien soldat de la Navy, daigne s’adresser à elle le soir, au bivouac, lors des repas autour du feu. Il s’intéresse surtout à son pouvoir ; lui affirme posséder son don depuis toujours, le même que sa grand-mère, une Portoricaine qui offrait ses services à ceux qui pouvaient se les payer. La magie, il connaît, dit-il. Ça ne lui a pas rendu la vie plus facile – tout le monde dans l’armée ignorait l’existence de ce pouvoir et de cette grand-mère –, mais il a la sensation d’être utile aujourd’hui, de permettre aux rescapés d’arriver à bon port.
— Comme si Dieu m’avait choisi pour que je devienne une sorte de guide.
Chad prétendait que Dieu avait donné un pouvoir à Ana afin qu’elle-même guide les survivants. Et elle ne parvenait pas à adhérer à cette idée.
Lorsqu’elle lui demande s’il croit en Dieu, Nick éclate de rire et lui répond :
— Oui, avant je croyais en Dieu. Aujourd’hui, je n’y crois plus.
Si des anges descendent sur Terre pour buter tout ce qui bouge, n’est-ce pas là la preuve que Dieu n’existe pas ? Nick a beau retourner la question dans sa tête, il ne parvient pas à comprendre comment une telle chose pourrait arriver si le Seigneur veillait véritablement sur Ses enfants.
— Peut-être qu’Il n’est plus là, a-t-il rajouté. Peut-être qu’Il a offert ces pouvoirs pour que nous venions en aide aux survivants à sa place.
Selon lui, la plupart des sorciers – c’est le nom qu’il utilise pour désigner toute personne possédant un pouvoir – qu’il croise aujourd’hui ont développé leur capacité surnaturelle après le Cataclysme, comme si la lumière avait réveillé en eux un sens endormi. Pourquoi, si ce n’est pour permettre aux rescapés de survivre face aux anges ?
Pourtant, Ana ne parvient pas à être d’accord avec lui :
— À quoi cela servirait si le monde disparaît à la fin du compte à rebours ? Ça n’a aucun sens.
— Personne ne sait ce qui se passera le dernier jour. Le monde pourrait bien rester à sa place, ou alors, ceux qui seraient encore en vie pourraient accéder au niveau supérieur. Nous ne pouvons pas savoir.
— Tu crois quoi, toi ?
La jeune femme ignore pourquoi elle a posé la question. Faire la conversation à quelqu’un, ce n’est pas dans sa nature, surtout lorsque la dite conversation tourne autour de leur avenir avorté et des derniers jours qui se profilent. Mais étrangement, l’avis de Nick l’intéresse.
— Je ne sais pas ce qui va arriver, répond-il alors. J’aimerais beaucoup qu’on ramasse un voyant sur la route, comme ça il pourrait nous éclairer… Non, vraiment, je ne sais pas. Espérer, par contre… C’est tout ce que je sais faire à présent.
La nuit qui suit, Ana rêve qu’elle regagne enfin son appartement, qu’elle trouve couvert de poussière et de cendre. Elle aimerait qu’il s’agisse d’un rêve prémonitoire, puisqu’elle aussi elle ne sait plus rien faire d’autre qu’espérer.
Il faut près d’une semaine au convoi pour arriver à New York, après une longue route chaotique, un voyage interminable. Les rescapés sont entassés dans les bennes des camions et demeurent affamés, terrifiés à l’idée de croiser des pillards ou des anges.
Des anges, il y en a eu. Mais grâce aux intuitions fulgurantes de Jane, qui prévenait Robert chaque fois qu’elle sentait que quelque chose de mal allait se passer, ils ont pu les éviter. Ana n’a usé de son propre don qu’une seule fois : ils traversaient une forêt aux arbres calcinés dont la route était envahie de cadavres d’oiseaux et de batraciens pourrissant à l’air libre, lorsqu’elle a détecté les deux créatures ailées volant non loin. Le convoi a pu leur échapper en accélérant la cadence. Tant pis pour les réserves de carburant, mais on ne lésine pas sur la sécurité.
Leur arrivée dans la mégalopole se fait en silence.
Un silence de mort, comme celui qui règne entre les gratte-ciel écroulés, laissant sur le bitume des rues un tapis étincelant de morceaux de verre.
Du verre, il y en a partout. Sur les trottoirs, sur les routes, sur les ruines.
Dans les boulevards, des milliers de voitures échouées s’entassent les unes sur les autres, empêchant les camions du convoi d’avancer. Le groupe abandonne les véhicules pour s’enfoncer dans le labyrinthe de la ville, armes au poing et sens aux aguets.
Le verre sous leurs semelles craque dans un vacarme d’enfer.
Ana contemple sans un mot, comme ses compagnons, les restes brûlés des immeubles et des maisons, les carcasses d’arbres, les quelques cadavres réduits à des squelettes couverts de cendre. Les façades de certains bâtiments ont été taguées.
Symboles ésotériques, insultes, dessins.
Des phrases, aussi, laissées là comme des suppliques.
Repent, the end is extremely fucking nigh *
Earth was here **
This is the way the world ends — not with a bang but a whimper ***
La gorge serrée, Ana réalise alors, pour la toute première fois, à quel point elle est seule et perdue dans ce monde détruit, oubliée de ceux qui sont vivants.
Ne pleure pas, pense-t-elle. Ne pleure pas, ne pleure pas…
Ils mettent une dizaine d’heures à rejoindre le port, signalé par les bateaux de plaisance échoués sur la route quelques kilomètres en amont. Lorsqu’ils parviennent enfin sur le rivage, lorsqu’ils aperçoivent enfin l’océan, les survivants du groupe ne peuvent réprimer leur joie. Ils laissent éclater leur bonheur, leurs rires, leurs cris, soulagés d’arriver à destination.
L’étendue d’eau est couverte de pétrole, et toutes les embarcations sont coulées par le fond.
Sauf une.
Un énorme cargo, un porte-container gigantesque qui se tient là fièrement, comme la dernière barque menant à l’ancien monde.
Déjà, les armateurs improvisés qui vivent sur le bateau s’approchent du groupe, curieux ou inquiets du tintamarre que produisent les nouveaux arrivants. Robert se charge d’aller leur parler – l’expression soulagée qu’il arbore ne peut plus tromper qui que ce soit, lui qui craignait en secret que personne ne les attende à New York.
Ce même soulagement manque de couper les jambes à Ana. La jeune femme aussi n’y croyait plus, elle n’espérait plus. Déjà, la perspective d’embarquer et de rentrer chez elle s’impose à son esprit, et une irrépressible impatience grandit. Quelques semaines, encore. Quelques semaines et elle pourra souffler.
À ce moment-là, Nick s’approche d’Ana, et lui lance :
— Souris, au moins.
La jeune femme ne songe même pas à répliquer. Elle ne sait pas quoi lui répondre.
— C’est fou, hein ? poursuit Nick en retrouvant son sérieux. Pour tout dire, je ne pensais pas qu’un tel bateau puisse naviguer encore. Les rumeurs prétendaient qu’il en partait tous les jours, mais c’est difficile d’y croire…
— Tu disais pourtant que tu l’espérais.
— Ah, c’est vrai. Mais parfois, c’est impossible d’espérer.
Ana acquiesce, ne comprenant que trop bien.
— Tu comptes faire la traversée ? lui demande-t-elle alors.
— Oh, non. Moi, je suis d’ici, je n’ai rien à faire en Europe. Je vais peut-être repartir dans le Tennessee et escorter d’autres survivants.
— Vraiment ?
— Je te l’ai dit, je me sens un peu comme un guide. En tout cas, je ne me vois pas passer mes derniers jours autrement. Il faut que j’y trouve un sens, ou bien je risque de péter les plombs.
— Tu as raison.
Elle lui sourit, alors, et regrette qu’il ne veuille pas l’accompagner. Nick n’a pas tort : trouver un but pourrait sans doute l’aider à supporter ces jours qui s’enfuient sans vergogne, ce temps qui s’écoule sans répit.
Il n’était qu’une étape, lui aussi. Comme cette traversée de l’Atlantique.
Juste une étape. Avant la fin du voyage.
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* Phrase qui apparaît fréquemment dans des œuvres post-apocalyptiques, comme le film 28 jours plus tard
** Phrase qui apparaît dans le film These Final Hours
*** Extrait du poème de T.S Eliot, The Hollow Men